Héritage Afroboricua dans Las Negras de Yolanda Arroyo Pizarro
Mots de la Dre. Carmen Centeno
Las negras nous transporte dans le monde de l'esclavage fécond selon certains théoriciens de la modernité. [...] Yolanda Arroyo Pizarro, son auteure, nous plonge dans la violence que les codes de l'époque validaient par le biais d'un droit patriarcal. Son écriture, totalement défiante, s'écoule entre les interstices plus intimes de la sexualité pour présenter les corps dévalués et torturés. Ici le sexe et la torture vont ensemble. Le juste et l'injuste sont justifiés en fonction du pouvoir économique qui exploite les sujets féminins comme des sources de leurs nouveaux revenus et de plaisir. Le droit est codifié en fonction du pouvoir qui s'exerce sur les autres, non seulement comme travailleuses, mais aussi comme reproductrices.
Le capitaine du nef ligote les jambes de la femme qui avait tenté de s'échapper sur la rive durant le trajet des canoés. Elle respire peu. Ses oreilles et ses orifices nasales ensanglantées ne lui permettent pas de crier. Elle se tord, lutte, mais elle le fait par des pleurs silencieux alors qu'on la soulève dans les airs, en partant du sol, par les pieds. Tête en bas et ligotée également par les mains, plusieurs hommes collaborent pour la jetter dans la mer. (p. 57)
La scène change. Ici, une autre femme est jetée dans la mer. Wanwe pense qu'elle va se noyer, mais sa fin est toute autre. Lorsqu'ils décident de soulever son corps, elle a déjà été découpée à moitié par les requins. C'est un acte d'une cruauté excessive servant à terroriser psychologiquement les femmes.
Face à la violence à laquelle sont soumises les noires, la confession de l'esclave Ndizi avant d'être soumise à la potence ne s'avère pas surprenante, mais est plutôt le fruit du désespoirt un acte de résistance qui nous amène à questionner le juste et l'injuste face à ses paroles sur la mort des enfants :Je les noie dans le seau servant à receuillir les placentas, petit père. J'appuie leurs petites gorges avec mes doigts et je les fais suffoquer. Ou je les axphyxie avec leurs cordons ombilicaux, je manoeuvre même avant qu'ils ne sortent du ventre. (p. 93)
L'autoritarisme, la gouvernance et l'(in)juste sont intimement liés dans ces oeuvres, puisque l'autoritarisme abolit la gouvernance, efface les possibilités de la réglementation du juste qui part d'une éthique des droits humains. Les auteurs portorricains ont utilisé leurs mots pour contribuer à l'élaboration d'une praxis qui refuse le totalitarisme et qui montre ses effets sur les vies humaines, particulièrement dans cette île caribéenne dont l'état sent la charogne et la corruption. La terreur présentée nous rappelle les descriptions de la torture par Eduardo Galeano. Ce sont toujours les mêmes, hier et aujourd'hui. La même que dans un stade du Chili sous Pinochet, que dans les zones où durant la Guerre Civile Espagnole moururent assassinés un grand nombre de valeureux libéraux, comiques, homosexuels, et de femmes. La mort est la même que lors de la ''matanza del 37'' (tuerie de 1937) en République Dominicaine que lors des événements de Cerro Maravilla à Porto Rico.
[On] a choisi de remplir le vide de la mémoire perdue dont nous parla Arcadio Díaz Quiñones, d'enregistrer par le biais de l'écriture l'autoritarisme vécu autant que les résistances quotidiennes; d'exploiter un autre horizon à travers la dénonciation et l'invention d'une autre historiographie, qui nous libère d'un état aseptique, autocrate et exclusif , qui rompt avec l'effacement de l'histoire et les pièges de l'oubli. Les relations de pouvoir se sont affrontés dans ce sens, non pas comme des phénomènes passifs, mais comme un champ entier de réponses comme l'a proposé le grand français [...] Michel Foucault: Une relation de violence agit sur un corps, sur des choses: elle force, elle plie, elle brise.